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2 décembre 2008

DIEUX EN SOCIETE (le religieux et le politique) - COLLECTIF (ed Autrement)

Les dieux grecs et la cité (entretien avec JL Durand)

En Grèce antique, le religieux n'est pas séparé du reste de la culture. L'opposition religion/démocratie est issue de notre culture. Tout débat public est soumis en Grèce ancienne à une purification rituelle. Il n'est pas possible d'y être hors religion sans être hors culture. L'apparition de la philosophie ne met pas ce monde en crise. Le mythe est un mode de pensée, la philosophie en est un autre. Si la cité devient démocratie, il y a réarticulation des notions traditionnelles, sans opposition entre logos et muthos.
L'humain chez les Grecs n'est défini que devant les dieux. Ils s'opposent tous deux à l'animalité. La philosophie n'a pas été nécessaire à la naissance de la démocratie. A l'arrivée d'Alexandre, la cité n'est plus le lieu de la culture, on invente les écoles de philosophie. Le religieux se place alors hors de la vie de la cité. Il y a des biens et des maux, pas le bien et le mal. Les dieux assument des catégories de la réalité, ils ne sont pas moraux. L'homme accède au divin lorsqu'il réalise la perfection. Les dieux sont un système de puissances immanentes et transcendantes, ils forment la culture grecque. Le culte gère les rapports entre hommes et dieux. Appartenir à la société pour un Grec passe par la pratique cultuelle. C'est pourquoi politique et religieux sont indissociables. L'espace du citoyen est rituel.

Le modèle biblique par Shmuel Trigano
Le système politique biblique a été ignoré au profit de celui des Grecs. Même le sionisme l'a ignoré. Il est considéré comme une anti-thèse de la démocratie, comme une théocratie qui relevait de l'infra-politique. Sous l'influence de Spinoza, l'Europe latine et chrétienne refoule la "république des Hébreux", tandis que les USA chérissent ce modèle. Il faut analyser l'exercice du pouvoir bien plus que sa symbolique religieuse. La légitimation d'une classe en quête de pouvoir est religieuse. En dernière analyse, il n'y a pas de théocratie biblique, comme en Egypte (rappelons que dans les monarchies, le roi est le médiateur du divin). Dans le modèle biblique, il y a alliance entre Dieu et les hommes. Le cosmique entre en rapport avec le politique, le divin avec l'humain. Il y a séparation entre ces deux derniers. La nature dans cette conception n'est pas divinisée, elle est une création ex-nihilo. L'homme est soi acteur, soit associé. C'est le peuple lui-même qui est lié à Dieu, non un intercesseur. La révélation a été faite à une collectivité. L'alliance politique entre les hommes découle de la première alliance, qui a été sujette à des négociations. Jérusalem est centrée autour du temple. On ne peut la comparer à la cité grecque. Le temple abrite l'arche et le texte de la Tora (nulle statue ; Dieu est irreprésentable). Le temple est la source du pouvoir et de la loi. Le droit hébreux est jurisprudentiel et coutumier. Seule la tribu des Levi qui n'a pas de territoire tient le temple et le culte (elle est dédommagée sous formes de tributs). Depuis très longtemps, les Hébreux avaient une sorte de sénat, les conseils tribaux, fonctionnant de façon indépendante du temple, où le roi n'entre pas (il est confirmé par l'assemblée). Le grand prêtre n'exerce pas le pouvoir politique. Il y a bivalence. Le prophète fait office de censeur. C'est l'alliance qui régit toutes les instances. Ouverte à tous, la Tora est le lieu du consensus collectif. Il y a bien sûr des périodes de dominance d'une des instances, mais le système global ne mène pas à la tyrannie.

L'invention médiévale par Jacques Chiffoleau
Il y a eu au moyen-âge volonté par les clercs de se séparer des laïcs. Ce sont les ordres religieux qui ont les premiers expérimenté le système représentatif d'où émanent nos démocraties parlementaires. Au 11ème siècle, religieux et politique se séparent. Le pouvoir se fractionne et l'église réclame son autonomie. Ce sont les grégoriens qui l'inaugurent en s'appuyant sur le droit romain. Le processus prend effet très lentement. Cette institution qu'est l'église deviendra la matrice de toutes les institutions occidentales. Cela en passe par une désacralisation du monde. Spirituel et temporel se séparent, Dieu intervient de moins en moins de façon directe. Cela permet le développement de la réflexion théologique et philosophique. La redécouverte du droit romain devient un principe unificateur dans la chrétienté latine qui devient un corps mystique, avec Jésus-Christ représenté par le pape à sa tête. Le concept de lèse-majesté produit la procédure inquisitoire. Les hérétiques nuisent à l'humanité par extension. Cette conception dogmatique de la vérité est l'anti-thèse de la démocratie. Naît un nouveau type de lien avec l'autorité, qui est à l'origine de la notion de souveraineté. Au 13ème siècle, les princes revendiquent cette majesté. L'obéissance devient le ciment de l'unité du royaume. Au 14ème siècle, certains utilisent les élections en s'inspirant des Cisterciens, dans la gestion des villes ou la tenue d'états généraux. Plus tard, l'obéissance est battue en brèche à plusieurs reprises avant 1789. Au 14ème et 14ème siècle, c'est l'installation de l'état moderne.

L'héritage de la révolution française par B Backzo
L'église traversait une crise à la fin du 18ème siècle. La nation acquit pendant la révolution une souveraineté illimitée sur le domaine public. En 1790, la constituante supprima la plupart des ordres religieux, suivant l'opinion publique. Il y eut constitution civile du clergé, ce qui fut à l'origine d'une rupture entre l'église et l'état. Les livres religieux représentent les deux tiers des publications avant 1789. De nombreux  traités anti-christianisme paraissaient clandestinement également. On imite Voltaire. Les philosophes désacralisent la mort. La foi se fait moins ostentatoire. Le roi est désacralisé à son tour. Le pouvoir révolutionnaire s'acharne sur tous les symboles de la monarchie et de son caractère sacré. Le sacré est relégué dans le domaine privé, et en même temps s'opère un transfert du sacré vers le profane (notamment le politique). Le conflit entre l'église catholique et l'état révolutionnaire a abouti à une guerre civile en Vendée. On installe d'abord le culte de la raison. Une vague anti-religieuse déferle sur le pays, les tombes royales sont profanées. Tout cela est imposé à la population par une minorité. Robespierre y met fin. Il instaure le culte de l'être suprême. Le politique qui prétend incarner les valeurs absolues et aboutir à la formation d'un homme nouveau se sacralise.

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